HOLZ est le nom d’une plateforme de création artistique collective qui déploie et interroge la logique du multiple selon trois perspectives qui se relancent l’une l’autre.

  1. Holz est le nom d’une revue xylo et linogravée.
  2. Holz est aussi le nom d’un auto-bootleg
  3. Holz désigne enfin la spatialisation de la revue et de l’auto-bootleg.

Espace de rencontres et d’hybridations du texte et de l’image, du digital et de l’analogique, de la poésie et de la prose, de la narration et de l’anti-narration, de l’abstraction et de la figuration, de la théorie critique et de la praxis, cette plateforme est non seulement un espace de création/production, mais est aussi un lieu de réflexion à propos du multiple et de la société où il a lieu.

HOLZ, passé, présent et à venir : une présentation

«image, empreinte de temps»
Georges Didi-Huberman

En janvier 2020, Olivier Deprez et Roby Comblain créent ensemble la revue HOLZ. HOLZ est une revue hors normes de 50×60 cm tirée à dix exemplaires. La revue est entièrement faite à la main. Les textes et les images sont gravés et imprimés sur un papier de mûrier (kozo 10g). Cinq numéros ont été publiés. Ceux-ci ont été montrés et lus lors d’événements et dans des expositions (Itinéraires Graphiques 2022 à Lorient, Limited Art Book Fair Fondation Boghossian 2022 à Bruxelles, MRAC Occitanie 2024/25 à Sérignan, entre autres).

La revue a un tirage restreint, elle est donc entrée prioritairement dans des collections publiques afin d’offrir l’accès à la revue (c’est le cas de la Bibliothèque Nationale de Hollande, du Service du Patrimoine de la Ville de Liège, et de la Bibliothèque Tréfilerie de l’université de Saint-Etienne, entre autres). D’autres événements et expositions sont programmés pour 2027 (à Roubaix, à Marseille et à Sottens, en Suisse).

La revue rassemble des plasticiens et des écrivains.

Trois polarités déterminaient le contenu des cinq premiers numéros : le texte, l’image et l’abstraction. Chaque numéro de la revue avait sa propre autonomie et mettait l’accent sur un thème. Au fil des publications ont été abordés : la relation, habiter, militer, le cinéma de Chantal Akerman et celui de Pasolini. Se mettait aussi en place, au fur et à mesure, une archéologie des images, un rapport texte / image qui généraient un récit dont le mode d’écriture est le montage. Chantal Akerman, Joseph Beuys, des enfants berlinois, Louis I. Kahn, Pasolini, des travailleurs immigrés anonymes et Amerigo Vespucci auront été les personnages de ce récit en devenir.

La revue a accueilli et publié des autrices et des auteurs variés : Jan Baetens, Perrine Estienne, Claude François, Caroline Lamarche et Chantal Vey.

La nouvelle mouture de la revue HOLZ se constitue désormais autour des trois polarités image texte, iconologie, anthropologie.

La revue continue la collaboration avec des écrivains ; elle entre aussi en dialogue avec la recherche-création, par exemple avec l’historienne de l’art Gwladys Le Cuff.

L’écriture selon HOLZ :

L’écriture de la revue HOLZ s’entend au sens élargi du terme et se définit sur plusieurs plans.

Tout d’abord, elle procède du montage. Montage au sens cinématographique et plus spécifiquement le montage tel qu’il est mis en œuvre dans le livre de Jean-Luc Godard «Histoire(s) du cinéma», mais aussi au sens où l’entendait l’historien de l’art Aby Warburg, c’est-à-dire très semblable au montage par collision défini par Eisenstein. Autrement dit, le montage est ici conçu comme une mise en mouvement par l’image fixe aussi bien que par la rencontre du texte et de l’image dans un contexte livresque. Le montage dans la perspective de Warburg a un usage iconologique et anthropologique. Il dit quelque chose à propos des images et il dit quelque chose de l’usage des images dans la culture.

Ecrire c’est aussi graver, gravécrire. Creusant le bois, la gouge inscrit texte et image dans le plan xylogravé.

La copie est une autre modalité littéraire de la revue HOLZ. La transposition des textes et des images se fait sur le bois via un jeu de calques et de papiers carbone. Ce moment de la copie renvoie à un autre moment de l’écriture, le moment du choix du document à copier et insérer dans la trame de la revue. Le texte de HOLZ est déterminé par l’ensemble des images et des textes choisis dont le montage organise les contiguïtés.

Suggérer beaucoup en peu de pages, entre 14 et 32 effectives du fait de la transparence, l’écriture de HOLZ est à la fois dense et elliptique, contrainte par la technique et par le volume.

La transparence du papier joue un rôle clé dans l’écriture de HOLZ ; elle se substitue au fond noir des panneaux sur lesquels se déployait l’iconologie visuelle de Warburg et au fond noir cinématographique de Godard. C’est un changement notable. La transparence devient le médium de la revue et son mode d’écriture que bémolisent des inserts d’aplats noirs ou colorés. D’une part, images et textes tendent à fusionner au fil des pages par le jeu des superpositions et des transparences ; ce qui atténue la disparité sémiotique. D’autre part, le texte (étant lu dans un sens et puis vu dans un autre sens, étant donné la transparence) apparaît lisible et illisible, lisible du point de vue du recto, illisible du point de vue du verso. Le texte devient alors un objet qui aussi tend à l’abstraction. Le dessin de la lettre est moins transparent. Il s’opacifie et en retour trouble le sens qui se donnait pour une évidence, les mots s’accordaient aux choses et puis, vus de dos, ils ont un tout autre air. Ils deviennent des éléments plastiques qui résonnent avec les couleurs et les images. De même l’image se lit à double sens non pas comme dans l’image du canard-lapin, mais selon la logique de l’inversion gauche / droite. Cette ambivalence favorise la mobilité sémantique et formelle, d’autant plus que l’image ou le texte inversé se dépose sur une nouvelle page qui en redistribue la composition. Alors, de nouvelles tensions paraissent, de nouvelles figures se dévoilent.

L’écriture de HOLZ a aussi une dimension archéologique dans la mesure où elle restitue des éléments comme l’archéologue fait émerger des objets qui un jour ont été familiers et ne le sont plus. L’insertion des objets trouvés, qu’ils soient textuels ou visuels, dans le montage de la revue les défamiliarise. Pourtant, ils n’ont pas perdu leur énergie initiale. Cette énergie se transforme dans un nouveau contexte. Les images et les textes remédiés par la gravure sur bois et le montage éclairent notre présent. Ils sont aussi comme un projectile vers le futur. Des éclats de mémoire qui s’adressent au présent et au futur.

L’écriture ne serait rien sans la lecture. Le lecteur a un rôle primordial, c’est lui qui active le dispositif. Il est le personnage qui accomplit la performance qui donne à la revue sa véritable forme littéraire, mouvement chorégraphique à opérer dans la rencontre avec ce que suppose la manipulation de l’œuvre. L’expérience de lecture oblige à traverser une corporéité ; la situation provoque un levé successif de voiles, un peu comme dans la danse de Salomé chez Carmelo Bene. La lecture est ralentie par la légèreté et la fragilité de la page. Il s’agit d’écrire un geste de lecture. Lecturécriture donc.

Enfin, quelques contraintes régissent la publication de la revue HOLZ. La première contrainte consiste à imprimer toujours sur la première page de couverture le monogramme HO/LZ en ne variant que la couleur. La seconde contrainte est d’imprimer en bichromie : un noir plus une couleur. La troisième contrainte impose de publier en quatrième de couverture un texte méta.

HOLZ#6, nouvelle séquence

La revue HOLZ entame une nouvelle séquence de son histoire. Il s’agit alors de préciser cette dimension archéologique et d’en faire le cœur de la revue n°6. C’est pourquoi un dialogue s’engage avec l’historienne de l’art Gwladys Le Cuff et l’éditeur de livres d’artiste Aurélien Gleize.

Gwladys Le Cuff met l’accent sur plusieurs aspects de l’image. Dans le contexte de l’évangélisation du Nouveau Monde, l’image a un caractère propagandaire et via la gravure est démultipliée jusqu’à devenir virale. L’image produit des « normes formelles instituantes » à destination des peuples colonisés. L’image puise dans un fond déjà constitué des figures mises au goût du jour et reflétant idéellement le colonisateur, voire en est l’épigone. La gravure devient ainsi le medium quasi magique de la présence objective du divin sur terre.

Aurélien Gleize met en évidence la façon dont le corps s’est morcelé et marchandisé dans la modernité en situant la période vache de Magritte dans une double perspective géographique liée à une date clé, 1860. A Paris, l’avènement combiné des théâtres et des grands magasins transforment les images du corps, le morcelant et le réduisant à un catalogue d’accessoires. Au Japon, l’occidentalisation entraîne la substitution du vieux par le neuf. Dans les images gravées, les objets délaissés se transforment en monstres combattant leurs équivalents européens. Magritte synthétise en quelque sorte ces deux situations : chez lui, les corps sont découpés et les postiches s’animent.

Gwladys Le Cuff et Aurélien Gleize ont chacun constitué, « écrit », un corpus visuel et textuel. C’est de ces corpus que sera extrait le contenu du montage du numéro 6.

Il s’agit ici de s’immerger dans l’écheveau mouvant des temps et des images, non pas pour tenter de le décrire, mais pour montrer via le montage-collision la dynamique du symptôme, c’est-à-dire selon Didi-Huberman les «battements structuraux» de l’image : «empreinte et mouvement, latence et crise, processus plastiques et non-plastiques, oubli et réminiscence, etc».


Auto-bootlegs